J'écris pour effrayer le silence
en lui intimant l'ordre de se taire, mais le silence ne se tait
jamais tout à fait. C'est mal élevé, le silence. Tu crois qu'il
dort, paisible, tel un chien assoupi, mais non, il se réveille et il
mord. Alors moi je le musèle avec des mots sortis tout droit de la
niche de mes pensées vagabondes, de mes pensées libertaires à
défaut d'être libertines. Mais le silence me regarde droit au fond
de mes souveniirs et il ricane, le salop... Alors j'écris pour me
faire croire que je ne suis pas encore tout à fait esclave de mes
peurs, de mes doutes, de mes cicatrices profondes et intimes.
J'écris pour exorciser l'enfant
qui chagrine l'adulte que j'imagine être devenu. J'écris pour la
respiration des mots qui m' insufflent un semblant d'harmonie afin
que, chancelant de tout, je ne m'essouffle sur le parcours de
l'existence.
J'écris pour l'ivresse des
profondeurs de l'âme où nul scaphandrier, jamais, n'osera
s'aventurer. J'écris parce que l'oiseau chante et que jamais je ne
saurai reproduire son chant. J'écris pour délivrer une Belle
Princesse ou quelque fée Morgane de je ne sais quelle malédiction
télévisuelle, mais la belle, silencieuse, sentencieuse préfère
s'évertuer à déchiffrer le mode d'emploi de sa télécommande...
J'écris au revers du décor de
mes nuits insomniaques, histoire de ne pas laisser croire à mes
fantômes qu'ils ont sur moi droit de spleen ou de Prozak.
J'écris pour mon chat qui
ronronne sur mes genoux et qui se moque bien de la rime, de
l'orthographe, de la ponctuation et du mot précis, juste, qui
viendra lui dire combien je l'aime... Du moment que je le caresse en
lui parlant tout bas, à quoi bon en rajouter?
J'écris pour toutes ces choses
et bien d'autres encore. Mais surtout j'écris parce que les mots qui
s'aggrippent les uns aux autres, qui s'agglutinent l'un derrière
l'autre en une myriade de signes hétéroclites, sont les points de
repère, les étoiles nocturnes qui pointillent le ciel de mes rêves,
mes doutes, mes colères, mes chagrins, mes révoltes...
J'écris parce qu'écrire, c'est
vivre...
R.C.
14-09-13
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