dimanche 14 février 2016

Concours plus belle lettre d'amour.

Extrait de la lettre qui m'a permis d'obtenir le 3e prix (13 participants) au concours organisé par la Bibliothèque de Ste-Foy l'Argentière (Rhône).


17 Mars 1915
Julien, mon cher amour.

Où es-tu Julien? Depuis que tu es parti j'ai du mal à dormir. Je ne sais plus ce que je veux, je n'ai envie de rien... Si, envie que tu reviennes et que tu me dises "ça y est, cette fois c'est fini! Nous allons rester ensemble pour toujours toi et moi!". Envie que tu me prennes entre tes bras et que dans le silence de l'aube d'une vie nouvelle, tu essuies mes larmes, cette source intarissable de désespoir et de chagrin.Je n'en peux plus Julien... Je n'en peux plus...

Certes je ne suis pas à plaindre car toi tu souffres n'est-ce pas? As-tu froid? As-tu de bons camarades auprès de toi? Tes supérieurs sont-ils accommodants ou bien sévères? Je m'inquiète pour toi mon amour. Ici l'on attend des nouvelles chaque jour, mais l'on n'apprend pas grand chose. Parfois nous voyons les gendarmes se rendre chez Untel ou Untel. Ils frappent à la porte, une silhouette ouvre, les gendarmes entrent après avoir salué puis, au bout de quelques minutes on les voit ressortir, tête basse... Et l'on devine des larmes, des cris, des appels inutiles. De la tristesse, de l'incompréhension... Alors on détourne le regard, on baisse la tête et l'on prie... Oui, Julien, moi aussi je prie pour que tu reviennes et que cette maudite guerre se termine au plus vite. Mais plus personne n'ose croire que cela va se terminer rapidement. L'espoir fou des premiers jours s'est envolé et toi, gardes-tu encore l'espoir? Penses-tu encore à moi, ta pauvre Emilie qui traîne ses dix-sept ans comme une malheureuse? Je suis si vieille dans ma tête! Si désespérée dans mon coeur et dans mon âme...

Ton remplaçant est bien gentil. C'est un vieux bonhomme qu'ils ont été obligés de prendre car vois-tu ici, au pays, tous les jeunes gens sont partis, mais ça, tu le sais, n'est-ce pas? Le matin, lorsqu'il passe devant la maison, il s'arrête un instant, me sourit et me dit qu'aujourd'hui il n'y a pas de lettre, mais que demain peut-être, que demain sans doute... Mais c'est ainsi tous les jours... Alors je cours à la grange ou à l'étable et je me cache pour pleurer... Mon Julien, mon amour, je t'en prie, je t'en supplie, reviens-moi...
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